Les délais de rigueur en matière de permis d’urbanisme et leurs conséquences

Fabrice Evrard
Avocat associé 
HSP

Anciennement, le CWATUP ne prévoyait aucune conséquence particulière en cas de non-respect des délais dont disposaient une commune pour prendre une décision par rapport à une demande de permis d’urbanisme qui lui était soumise. Pour les demandeurs de permis, lorsqu’une commune ne se montrait pas suffisamment proactive, cela engendrait bien souvent une certaine forme d’incertitude, voire un sentiment d’incompréhension… Tout au plus, il était éventuellement possible au demandeur de saisir le fonctionnaire délégué, lequel était alors tenu par des délais stricts de décision.

Dorénavant, des délais de rigueur s’imposent au collège communal saisi d’un dossier de demande. Ces délais sont prévus à l’article D.IV.46 du CoDT. 

Selon le type de dossier, qu’il soit ou non soumis à une mesure particulière de publicité (enquête publique ou annonce de projet) et/ou qu’il soit au non soumis à un avis obligatoire ou facultatif du fonctionnaire délégué, voire à l’avis de services ou commissions spécifiques, la commune doit se prononcer dans les 30, 75 ou 115 jours qui suivent le moment où il a été accusé réception d’un dossier complet et recevable.

Faisant désormais application d’une possibilité qu’offrait déjà le décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement, le CoDT prévoit que ces délais peuvent, le cas échéant, être prorogés de 30 jours par le collège communal. Cela étant, cette décision de prorogation, si elle doit certes être envoyée dans le délai initial de décision, ne saurait être envoyée parallèlement au moment où le dossier a été considéré comme complet et recevable. Concernant cette nouvelle possibilité, le Conseil d’État a déjà pu considérer qu’une décision de prorogation prise avant la délivrance d’un accusé de réception de la demande ne pouvait avoir pour effet de proroger les délais d’instruction (C.E., n° 242.424, 25 septembre 2018, Loffet). Notre juridiction administrative a estimé qu’une autre interprétation reviendrait à priver de sens une décision de prorogation qui pourrait être prise indépendamment de la vérification de la complétude du dossier et de la pertinence réelle d’une telle prorogation. Une décision de prorogation doit se vérifier in concreto, sur la base d’un dossier considéré comme étant complet.

Dans la mesure où la commune est à présent tenue par des délais de rigueur, diverses conséquences sont prévues en cas de non-respect de ceux-ci. Ainsi, trois hypothèses sont susceptibles de se présenter.

Première hypothèse : procédure sans avis obligatoire ou facultatif du fonctionnaire délégué. Dans cette hypothèse, si le collège communal n’a pas envoyé sa décision dans les délais, le fonctionnaire délégué sera saisi de la demande. Le fonctionnaire délégué devra envoyer sa décision dans les 40 jours à dater du jour suivant le terme du délai imparti au collège communal pour envoyer sa décision. Ce délai peut éventuellement être prorogé de 40 jours si des mesures particulières de publicité doivent être effectuées ou si des avis doivent être sollicités. Le fonctionnaire délégué doit envoyer sa décision de prorogation dans le délai initial de 40 jours. À défaut de l’envoi de la décision du fonctionnaire délégué dans le délai imparti, le permis est alors réputé refusé.

Deuxième hypothèse : procédure avec proposition de décision transmise par le fonctionnaire délégué, sollicité pour avis obligatoire ou facultatif. Dans cette hypothèse, la proposition de décision contenue dans l’avis rendu par le fonctionnaire délégué vaudra décision. Cette proposition doit être envoyée par le fonctionnaire délégué dans les 30 jours à dater du jour suivant le terme du délai imparti au collège communal pour envoyer sa décision. À défaut d’envoi de décision par le fonctionnaire délégué dans le délai imparti, le Gouvernement sera alors saisi de la demande conformément à la procédure prévue par le CoDT.

Troisième hypothèse : procédure sans proposition de décision transmise par le fonctionnaire délégué, sollicité pour avis obligatoire ou facultatif. Dans cette hypothèse, le permis sera réputé refusé et le Gouvernement sera saisi de la demande.

Si les délais de rigueur ont, dans un premier temps, fait grincer des dents au niveau communal, force est de constater qu’actuellement, dans la pratique, ces délais ont bien été intégrés par les administrations communales. Il n’est cependant pas rare d’avoir des dossiers dans lesquels le Gouvernement sera automatiquement saisi de la demande. Dans pareil cas, le demandeur reçoit alors un courrier de l’administration centrale, laquelle lui demande s’il souhaite ou non que le Gouvernement se saisisse de son dossier de demande. À défaut d’une réponse favorable dans le 30 jours de cette demande, le dossier sera alors clôturé. En cas de réponse positive du demandeur, le Gouvernement se positionnera suivant la procédure prévue en cas de recours.

Dans un souci de cohérence et de transparence administrative par rapport à toute personne qui dépose un dossier de demande de permis d’urbanisme, les délais de rigueur constituent une réelle amélioration.

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