France Guerenne
Avocat au barreau de Nivelles
Association HSP
Chargée de cours à l’U.C.L.
Le 21 novembre 2018, le Parlement wallon a adopté le décret réformant en profondeur la procédure relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique, suivant en cela la Région flamande dont le décret relatif à l’expropriation d’utilité publique est entré en vigueur le 1er janvier 2018.
Les principes qui ont présidé à l’élaboration du décret se libellent comme suit : une procédure qui doit mieux tenir compte des impératifs d’aujourd’hui ; un seul décret ; une extension du champ d’application de l’expropriation ; une seule procédure ordinaire d’expropriation rapide ; une phase administrative encadrée par des délais de rigueur ; une négociation amiable obligatoire et encadrée par des formes particulières ; la compétence des communes pour autoriser certaines expropriations ; une procédure judiciaire auprès du tribunal de première instance ; un débat judiciaire sur la légalité de l’expropriation ouvert à l’exproprié suivi de la détermination de la juste indemnité ; une rétrocession mieux encadrée.
Ainsi le texte prévoit la mise en place d’une procédure d’expropriation unique applicable à toutes les expropriations.
La procédure comprend toujours deux phases : une première phase administrative, qui remplace toutes les procédures administratives prévues par les législations particulières et qui débouche sur l’adoption d’un arrêté d’expropriation et une seconde phase judiciaire, qui vient remplacer les trois procédures – ordinaire, d’urgence et d’extrême urgence – datant respectivement de 1835, 1926 et 1962, laquelle ne peut cependant débuter qu’après une tentative de négociation amiable. Il n’existe ainsi plus qu’une seule procédure ordinaire.
La phase administrative se voit encadrée par des délais de rigueur relativement brefs. L’arrêté d’expropriation est adopté par le Gouvernement comme aujourd’hui, sauf si le pouvoir expropriant est une commune, une régie communale autonome ou une fabrique d’église auquel cas, l’arrêté est adopté par le conseil communal sur le territoire duquel est situé le bien à exproprier. L’arrêté d’expropriation doit être mis en œuvre dans un délai de dix ans à dater de sa notification, délai prorogeable pour une période de deux ans. À défaut de mise en œuvre, l’arrêté d’expropriation est périmé.
La phase judiciaire ne peut débuter qu’après une tentative d’acquisition amiable obligatoire qui peut cependant se limiter à l’envoi par l’expropriant d’une offre de cession des droits visés dans l’arrêté d’expropriation. À défaut de cette phase amiable, la requête devant le Tribunal est irrecevable, à moins que l’expropriant puisse établir avoir été dans l’impossibilité d’identifier l’exproprié ou l’endroit auquel l’offre pouvait lui être adressée.
Si l’exproprié ne conteste pas la légalité de l’expropriation, les parties peuvent signer une convention et notamment convenir que l’expropriant prenne possession des biens immobiliers avant la réalisation des formalités requises. À défaut d’accord, l’expropriation est poursuivie devant le tribunal de première instance et non plus devant le juge de paix.
La phase judiciaire prévoit des délais plus longs que ceux que nous connaissons actuellement et ce, afin de mieux tenir compte des intérêts en présence et de la réalité judiciaire, notamment lorsque la légalité de l’expropriation est contestée. Contrairement à ce qui est prévu ce jour, l’exproprié qui a contesté la légalité de l’expropriation et qui n’aurait pas été suivi, peut directement saisir la cour d’appel. L’objectif est de clore rapidement ce débat. Par contre, il n’est plus possible de contester à nouveau la légalité de l’expropriation lors des débats sur les indemnités d’expropriation définitive, comme cela se passe actuellement. Le jugement ou l’arrêt qui statue sur la légalité opère le transfert de propriété.
La rétrocession est également mieux encadrée dès lors qu’elle naît, si dans un délai de cinq ans à dater de la prise de possession du bien, l’affectation au but d’utilité publique n’est pas réalisée, les actes et travaux n’ont pas débuté ou encore si le bien exproprié n’a pas été cédé à un tiers chargé de réaliser le but d’utilité publique, sauf cas de force majeure. La rétrocession s’applique aussi aux cessions amiables.
Le droit de demander la rétrocession s’éteint cependant de plein droit si l’exproprié n’a pas adressé une lettre de mise en demeure dans un délai de trois ans qui suit sa naissance. Si le bénéficiaire a respecté ce délai, il a six mois pour saisir le tribunal afin que l’expropriant soit contraint de lui céder le bien exproprié.
Enfin, le champ d’application de l’expropriation a été étendu. Alors qu’actuellement, il est limité au seul transfert de propriété, le texte autorise d’exproprier pour constituer des servitudes ou encore occuper temporairement des biens immobiliers, le temps nécessaire à la réalisation des travaux. On pourrait ainsi créer une servitude de passage ou entreposer des matériaux sur celui-ci, sans devoir passer par l’expropriation de l’assiette. L’expropriation peut par ailleurs être limitée à un volume en sous-sol.
L’entrée en vigueur de ce texte n’est pas encore connue. Il appartient au Gouvernement d’adopter un arrêté fixant la date d’entrée en vigueur. Ce nouveau décret ne s’appliquera qu’aux dossiers et demandes d’arrêté introduits après son entrée en vigueur. Ainsi, les dossiers qui auront été introduits avant la date fixée par le Gouvernement pour l’entrée en vigueur du nouveau décret, seront traités selon la procédure antérieure.
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