Thomas Hauzeur
Avocat
Chargé de cours à l’Executive Master en Immobilier à l’UCL-FUSL
T.Hauzeur@wery-legal.be
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Dans deux arrêts du 11 octobre 2017, n°239.346, HEETHEM, et n°239.347, INTER-ENVIRONNEMENT ET CSRTS, le Conseil d’État vient de consolider la possibilité, pour un centre commercial, de s’implanter en zone d’industries urbaines, au plan régional d’affectation du sol, adopté par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (dénommé ci-après le « PRAS »).
Ce faisant il valide l’une des bases réglementaires du permis d’urbanisme couvrant la construction du complexe commercial Dockx.
Ces deux arrêts rejettent pour le surplus les moyens tendant à l’annulation de ce permis d’urbanisme concernant notamment (i) l’emploi des langues et les dossiers soumis à études d’incidences en Région de Bruxelles-Capitale, (ii) le mécanisme de dispense de mesures particulière de publicité pour les projets ayant déjà été autorisés par un certificat d’urbanisme, (iii) la politique volontariste en matière de mobilité de limiter le nombre de places de parking pour un tel projet …
I. Enjeu principal : conformité au PRAS
La zone d’industries urbaines est régie par les prescriptions 5.1, 5.3 et 5.6 du PRAS et autorise l’implantation des grands commerces spécialisés. Or, selon le glossaire du PRAS, le « Grand commerce spécialisée » est un « Commerce de superficie supérieure ou égale à 500 m² et dont l’activité consiste en la fourniture de services ou la vente de biens meubles qui relèvent d’un secteur spécialisé à l’exclusion du secteur alimentaire ») ».
L’enjeu était donc, dans les deux arrêts commentés, de savoir si le projet Dockx qui s’étend sur plus de 61.000 m² pouvait être qualifié de « Grand commerce spécialisé » (II), sachant, en outre, que la définition exclue expressément le « secteur alimentaire » (III).
II. Complexes commerciaux et « Grand commercial spécialisé »
Les requérants considéraient que le projet ne pouvait être qualifié de « Grand commerce spécialisé » puisqu’il rassemblait une multitude de commerces et que le propre d’un centre commercial est d’offrir une gamme de produit le plus large possible.
Dans son analyse le Conseil d’État relève, tout d’abord, que l’acte attaqué vise sous l’appellation de « Grand commerce spécialisé » un complexe regroupant des commerces non alimentaires, dont environ les trois quarts occupent chacun plus de 500 m².
Il considère, ensuite, que : « Le PRAS ne destine aucune zone spécifiquement à l’implantation de centres ou complexes commerciaux, de grands commerces ou de grandes surfaces; que les centres commerciaux existant au moment de l’adoption du PRAS ont été inscrits dans les zones de forte mixité, ce qui ne préjuge pas d’une quelconque obligation pour le Gouvernement d’affecter systématiquement de tels centres dans cette même zone; que les prescriptions relatives aux diverses zones ainsi qu’au liseré de noyau commercial n’appréhendent pas spécifiquement l’existence d’ensembles commerciaux organisés; qu’elles déterminent des limites de superficie en distinguant le commerce, le commerce de gros, et le grand commerce spécialisé, ce dernier pouvant s’étendre le plus largement. »
Il examine, enfin, l’intention de l’auteur du PRAS à travers les travaux préparatoire, dont il ressort (i) une volonté de mixité des fonctions, en vue d’éviter des « ghettos commerciaux » « à la française » en périphéries, (ii) que le commerce de détail spécialisé entre dans la définition du grand commerce spécialisé lorsque sa superficie est supérieure ou égale à 500 m² en vue de le distinguer du commerce, (ii) que, par contre, il y a lieu d’exclure de la définition du grand commerce spécialisé, les grandes entreprises de distribution relevant du secteur alimentaire vu l’offre suffisante en commerce de détail dans le secteur alimentaire.
Le Conseil d’État en conclut qu’il : « ressort de ces éléments que le Gouvernement a voulu permettre le développement de commerces de grande dimension dans plusieurs zones du PRAS, notamment les zones d’industries urbaines, plutôt que de créer des « ghettos commerciaux », mais qu’il n’a pas entendu décourager l’implantation de centres commerciaux; qu’une interprétation littérale du glossaire du PRAS quant à la définition du grand commerce spécialisé irait à l’encontre de cette intention en soumettant l’installation des centres commerciaux aux limites de superficie applicables au commerce en général, ce qui entraverait la création d’ensembles commerciaux ».
« Dans ce contexte, il y a lieu de considérer », tranche la Haute juridiction, « comme il a été décidé dans l’arrêt n°193.653, du 28 mai 2009, qu’un complexe commercial tel que celui qui fait l’objet de l’acte attaqué constitue, excepté les activités relevant du secteur alimentaire, un grand commerce spécialisé au sens du glossaire du PRAS »
III. Quid de la partie alimentaire d’un complexe commercial ?
Dans un deuxième temps, le Conseil d’État admet que le permis d’urbanisme autorise 2.000 m² de commerces alimentaires en les considérant comme le complément usuel des autres affectations, aux motifs suivants : « que la prescription 5.3 du PRAS ne comporte qu’une énumération indicative du type de commerce susceptible d’être autorisé à titre de complément usuel; que rien ne s’oppose à ce que des commerces alimentaires soient appréhendés comme le complément du grand commerce spécialisé, affectation admise à titre principal, ni à ce que cette complémentarité réponde à des besoins plus larges que ceux des membres du personnel des entreprises présentes; que, comme le souligne l’intervenante, la plupart des centres commerciaux proposent une petite part de commerce alimentaire pour compléter leur offre commerciale et renforcer leur attractivité; qu’en outre, l’implantation de tels commerces répond en l’espèce à des demandes formulées lors de l’enquête publique pour que le complexe comporte des commerces de proximité ».
IV. Pour le surplus
Pour le surplus, le Conseil d’État valide la politique volontariste soutenue par la partie adverse en matière de mobilité, en limitant le nombre de places de parking par rapport à ce qui est généralement retenu pour ce type de projet, en prévoyant un ratio d’une place de parking /37m² en lieu de place de 1/22m².
La Haute juridiction rejette le moyen pris, dans le deuxième recours, des lois coordonnées sur l’emploi des langues en matière administrative en vertu duquel l’ensemble du dossier de demande de permis soumis à études d’incidences aurait dû être traduit dans les deux langues. En effet, il est jugé que : « que ni une demande de permis ou de certificat d’urbanisme, ni l’étude d’incidences qui doit être réalisée à propos d’une telle demande ne constituent des documents émanant de l’autorité publique ».
Il est, ensuite, précisé que la traduction du résumé non technique de l’étude d’incidences suffit à satisfaire au principe de l’effet utile d’une enquête publique.
Enfin, le deuxième arrêt considère que la demande de permis introduite suite à l’obtention d’un certificat d’urbanisme ne devait pas être soumise à des nouvelles mesures de publicité dans la mesure où : « les modifications entre la demande de certificat d’urbanisme amendée et la demande de permis ne sont pas dues à l’initiative du demandeur, mais résultent des conditions dont le certificat d’urbanisme a été assorti; que les requérants n’établissent pas que certaines de ces conditions, affectant fondamentalement le projet, seraient étrangères aux observations recueillies lors de l’enquête préalable ».
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