Actualité en matière d’évaluation des incidences et de participation du public : talon d’Achille des projets immobiliers complexes ?

Thomas Hauzeur
Avocat
Chargé de cours à l’Executive Master en Immobilier à l’UCL-FUSL

L’actualité récente de la jurisprudence du Conseil d’État nous offre de nouveaux exemples de projets immobiliers complexes qui se heurtent aux fondamentaux de l’évaluation des incidences et de la participation du public.

Ainsi, par un arrêt du 1er mars 2017, n°237.528, le Conseil d’État a partiellement annulé le « PRAS démographique », touchant principalement la ZIR Delta et la suppression de l’obligation de mettre en œuvre une ZIR par un permis d’urbanisme englobant l’ensemble du site, en l’absence de plan particulier d’affectation du sol.

Tandis que le projet Uplace connaît un nouveau blocage, suite à la suspension de son permis d’environnement par un arrêt du 30 mars 2017, n° 220.204.

I. Annulation partielle du PRAS démographique

Dans un arrêt du 1er mars 2017 le Conseil d’État a annulé partiellement le PRAS, suite au recours introduit par l’ASBL Inter-Environnement Bruxelles.

A. Absence d’évaluation

Parmi les différents moyens invoqués par l’ASBL en charge de la protection de l’environnement, le Conseil d’État a censuré la volonté du gouvernement de supprimer l’exigence selon laquelle le permis d’urbanisme doive couvrir l’ensemble d’une Z.I.R., en l’absence de plan particulier d’aménagement du sol (PPAS).

Le Gouvernement justifiait cette modification en indiquant que la prescription modifiée n’imposait pas l’aménagement de l’ensemble de la zone, mais « seulement de calquer formellement le périmètre de la demande sur celui-ci », de sorte que « la modification se borne à supprimer une exigence procédurale qui était susceptible d’induire les personnes intéressées en erreur et complexifier les dossiers de demande de permis d’urbanisme ». Le Conseil d’État estime qu’une telle modification doit néanmoins être soumise à évaluation des incidences sur l’environnement « lesquelles ne peuvent être exclues ».

B. Absence d’enquête publique complémentaire

Par ailleurs, le Conseil d’État censure une modification du PRAS adoptée postérieurement à l’enquête publique, dans la mesure où cette modification, d’une part, ne trouve pas son origine dans les remarques et observations émises préalablement lors des enquêtes publiques, et d’autre part, n’a pas à nouveau été soumise à enquête publique.

C. Absence d’évaluation, même sommaire, d’alternative possible

Dans cet arrêt, le Conseil d’État rappelle la nécessité dans le cadre de l’évaluation des incidences, d’examiner les alternatives possibles au projet.

La Haute Juridiction tempère ce principe en considérant que « l’obligation d’examiner ces alternatives est de justifier les choix retenus doit s’entendre dans des limites raisonnables et ne peut pas viser tout alternative théoriquement imaginable pour chacun des éléments du plan, ce qui rendrait impossible l’adoption de modification d’une certaine ampleur ».

Elle se voit toutefois contrainte d’annuler les modifications du PRAS relatives au site Delta, tout comme elle l’avait fait à propos du plateau du Heysel, dans la mesure où l’évaluation des incidences « ne comprend aucune analyse, même sommaire, d’alternatives possibles pour l’affectation de ce site et n’en cite aucune ».

Sur ce point, la Haute Juridiction estime, en revanche, que les alternatives pour les Z.I.R. n° 3 (Gare de l’Ouest), 6b (Tour et Taxis) et 16 (Foresterie), ainsi que pour les modifications concernant les affectations des prescriptions relatives aux ZEMU sont examinées à suffisance.

D. Critiques de l’évaluation des incidences non retenues

Dans son arrêt, le Conseil d’État rejette la demande en annulation pour plusieurs prescriptions modificatives du PRAS, soit en l’absence de démonstration du caractère inapproprié de l’évaluation soit dans la mesure où « l’évaluation des incidences doit contenir que des informations qui peuvent raisonnablement être exigées, contenu de deux du degré de précision du plan ou programmes concernés et des méthodes d’évaluation existante ».

Ainsi, concernant les modifications opérées par le PRAS démographique quant à la prescription 0.12, alinéa 1er, 1° qui, depuis 2013, étend géographiquement les possibilités de compenser la démolition de logement dans une zone limitrophe, le Conseil d’État estime que la requérante n’indique pas en quoi l’évaluation des incidences de la modification adoptée serait insuffisante. Le Conseil précise que la modification ne peut en aucun cas signifier que les logements en compensation pourraient être implantés « dans n’importe quelle zone limitrophe, indépendamment de ce que prévoient les prescriptions particulières régissant celle-ci ». Pour le surplus, le Conseil d’État relève qu’en élargissant les possibilités d’implantation des logements compensation, le Gouvernement « a voulu éviter que certains projets, s’inscrivant dans des zones déjà saturées, ne puissent être réalisés en raison de la difficulté de cette implantation ».

D’autre part, elle estime que la modification de la date pivot pour la prescription particulière 4.4 du PRAS – qui autorise de déroger aux prescriptions de zone de forte mixité dans les îlots caractérisés par la présence d’immeubles dégradés et à l’abandon – ne doit pas faire l’objet d’une évaluation des incidences. La raison principale est que la démonstration du caractère dégradé et à l’abandon des immeubles ne peut dépendre que des demandeurs de permis. Il ne serait dès lors pas possible d’établir un inventaire de ces sites. La date pivot peut ainsi passer du 1er janvier 2000 au 1er janvier 2011.

II. Suspension du projet Uplace

Le Conseil d’État a également été amené à bloquer un projet en Région flamande qui ne répondait pas à la réglementation sur l’évaluation préalable des incidences.

Il s’agit du projet Uplace, dont le permis d’environnement avait déjà été annulé par un arrêt du 28 mai 2014, dès lors que le Gouvernement n’avait pas pu se prononcer de manière impartiale, eu égard aux engagements pris préalablement dans la convention « Brownfield ».

Dans son arrêt du 30 mai 2007, le Conseil d’État a suivi les requérantes qui critiquaient l’absence d’actualité de l’étude sur l’environnement réalisée en 2010. La Haute Juridiction estime ainsi qui n’est pas déraisonnable de supposer que depuis 2010, des changements sont intervenus et ont pu influencer négativement l’évaluation concernant les effets sur la mobilité et l’impact sur la qualité de l’air.

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