Le nouveau Code du développement territorial

Damien JansDamien Jans
Professeur
UCL
Avocat au barreau de Bruxelles
Vice-président de la Commission de nomination pour le notariat

L’on se souvient que sous la législature wallonne précédente, un premier décret avait été adopté le 24 avril 2014, « abrogeant les articles 1er à 128 et 129 quarter à 184 du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, du patrimoine de l’énergie »[1].

Ce décret n’est jamais entré en vigueur. Un second décret, adopté au Parlement wallon le 20 juillet 2016, a abrogé le premier, en poursuivant le même but de réformer en profondeur le CWATUP (qui disparaîtra d’ailleurs sous cette forme de l’ordre juridique wallon), pour former ce nouveau Code du développement territorial.

À l’heure de rédiger cet article, le décret du 20 juillet 2016 n’était pas publié au Moniteur belge et son entrée en vigueur est laissée à la discrétion du Gouvernement wallon[2].

La structure de cette présentation suivra celle du futur Code, qu’il est de coutume d’appeler par son acronyme « CoDT ».

  1. Le Livre premier

Le Livre premier du Code rassemble, bien entendu, les dispositions générales. Il énonce les outils d’aménagement du territoire futurs, dont certains sont connus et d’autres représentent des créations. Ainsi, lesdits outils sont notamment le plan de secteur, les schémas, les guides, les périmètres opérationnels et les outils de politique foncière, qui feront l’objet d’un développement ci-dessous.

Un pôle « aménagement du territoire » chargé de rendre les avis sollicités par le Code au regard de l’objectif d’assurer un développement durable et attractif du territoire, ainsi que sur les permis pour lesquels il existe des motifs impérieux d’intérêt général et autres programmes et permis sensibles, succédera à la Commission régionale d’aménagement du territoire.

La Commission d’avis sur les recours, qui, comme son nom l’indique, est chargée de rendre un avis au Gouvernement lorsqu’un recours est introduit contre les décisions relatives aux demandes de permis et de certificat d’urbanisme no2, demeure, ainsi que la Commission consultative communale d’aménagement du territoire et de mobilité.

Ceux qui ont étudié le Code de développement territorial adopté le 24 avril 2014 s’inquiéteront peut-être du sort de la Cellule de développement territorial et de la délégation générale au recours que ce code mort-né prévoyait.

Ces deux organismes sont supprimés dans le Livre premier du nouveau CoDT.

Dans le Livre premier toujours, des dispositions nouvelles concernent les auteurs agréés de projets, de plans, de schémas ou de guides. Notamment, un système de contrôle basé sur un avertissement, puis de sanctions dissuasives sont prévus pour les bureaux d’étude défaillants.

Le chapitre 6 est consacré aux « modalités d’envoi et calcul des délais ».

Le déplacement de ces règles au Livre premier du CoDT indique clairement que le législateur wallon entend que ces dispositions soient applicables à l’ensemble du Code et plus seulement à celles qui régissent les permis.

  1. Le Livre deux : les instruments de planification

Les outils principaux demeurent les schémas et les plans – ou plus exactement le plan, puisque seul le plan de secteur demeure.

2.1. Les zones qui composent le plan de secteur sont augmentées de deux, à savoir la zone d’enjeu régional et la zone d’enjeu communal. En revanche, le législateur a supprimé les périmètres opérationnels et a abandonné l’idée des « périmètres U », qui avaient été imaginés dans le cadre du décret du 24 avril 2014.

La zone d’enjeu régional a vocation à permettre les actions prioritaires du Gouvernement et le soutien du développement économique. C’est une zone mixte multifonctionnelle, dont l’inscription dans un plan de secteur initial sera le fruit d’une procédure abrégée de douze mois, menée à l’initiative du Gouvernement. La zone d’enjeu régional permet également l’abrogation, s’il échet, des schémas et des guides dont le prescrit serait contradictoire, et identifié tel dans le cadre de la procédure de révision.

Il n’est pas prévu de compensation en cas d’extension de moins de 15% d’une zone d’activités économiques existante.

La zone d’enjeu communal poursuit l’objectif comparable de dynamiser le développement des centres urbains et ruraux et d’inciter « à reconstruire la ville sur la ville ».

La compensation n’est pas nécessaire en cas de révision des zones urbanisables existantes de moins de 10%. Ici aussi, une procédure accélérée peut permettre d’abroger simultanément le schéma et des guides expressément visés par le projet de modification.

Pour l’ensemble des zones, les modifications de plan de secteur connaissent une procédure réduite à deux étapes, plutôt que trois précédemment, et un délai de vingt-quatre mois.

2.2. En revanche, et en compensation, la liste des schémas, instruments quant à eux indicatifs, s’allonge.

Le schéma de développement du territoire vient remplacer le schéma de développement d’espace régional (SDER).

Il comporte les objectifs régionaux de développement territorial et d’aménagement du territoire et la manière dont ils s’inscrivent dans le contexte suprarégional ainsi que, notamment, les principes de mise en œuvre des objectifs, particulièrement ceux liés au renforcement des centralités urbaines et rurales.

Le schéma de développement du territoire peut contenir aussi un programme facultatif, où l’on soulignera la possibilité de proposer des révisions du plan de secteur.

Le Code de Développement Territorial crée un schéma de développement pluricommunal, dont le but, comme son nom l’indique, est de couvrir tout ou partie de plusieurs territoires communaux contigus.

Ce schéma pluricommunal ne peut toutefois couvrir une partie du territoire communal soumis à un schéma de développement communal.

Ce dernier couvre en revanche l’ensemble du territoire communal.

Les instruments d’orientation ne couvrant qu’une partie de ce territoire communal sont les schémas d’orientation locaux qui déterminent, pour la partie visée, les objectifs d’aménagement du territoire et d’urbanisme.

Comme indiqué, tous ces schémas ont valeur indicative. Ils s’inscrivent dans une hiérarchie, chaque schéma s’inspirant de celui de l’échelle supérieure.

Dès lors qu’ils possèdent une valeur indicative, ils peuvent également s’écarter du schéma supérieur, à deux conditions : qu’ils ne compromettent pas les objectifs de développement territorial ou d’aménagement du territoire contenus dans le schéma supérieur, d’une part, et qu’ils contribuent à la protection, la gestion et à l’aménagement des paysages bâtis ou non bâtis, d’autre part.

De la même manière, les permis d’urbanisme pourront s’en écarter, moyennant due motivation.

Seul le plan de secteur, document à valeur règlementaire et obligatoire, peut donc ne pas être conforme juridiquement aux schémas de développement du territoire, mais les objectifs de la structure territoriale de ceux-ci s’appliqueront aux révisions éventuelles d’un plan de secteur.

Les schémas approuvés ont, nouvellement, une validité de dix-huit ans à dater de la publication au Moniteur belge. Cette durée peut être prorogée une fois pour six ans par simple délibération du conseil communal.

Dès l’entrée en vigueur du CoDT, les anciens PCA, RUE et RCU existants, qui reçoivent tous la qualité de schéma, auront une validité de dix-huit ans comme s’ils venaient d’être adoptés.

  1. Le Livre trois : les guides d’urbanisme

Le Code en distingue deux, à savoir le guide communal et le guide régional d’urbanisme.

Ils sont bien entendu appelés à remplacer les règlements généraux d’urbanisme et les règlements communaux d’urbanisme. Ceux-ci perdent donc leur valeur réglementaire et obligatoire, puisque les guides communaux d’urbanisme ont valeur indicative, à l’exception toutefois de certaines dispositions du guide régional qui gardent force obligatoire.

Le guide régional d’urbanisme applique aux objectifs de développement du territoire du schéma de développement du territoire les contraintes urbanistiques.

Ainsi peut-il comprendre, d’une part, « des indications » et, d’autre part des « normes », les dispositions normatives éventuelles ayant force obligatoire, malgré la valeur indicative générale du guide régional d’urbanisme. Le guide communal d’urbanisme, que le conseil communal peut adopter, présente le même contenu, à l’exclusion de dispositions normatives.

Ici aussi, une hiérarchie est prévue entre le guide régional et le guide communal.

Le principe est le même que pour les schémas. Le guide communal d’urbanisme ne peut s’écarter du contenu à valeur indicative du guide régional d’urbanisme moyennant la même double motivation que pour les schémas.

En application du principe de subsidiarité, quand un guide régional et un guide communal contiennent les indications sur le même thème, il est fait application des dispositions du guide communal.

À l’inverse, en cas de contradiction, cette fois, entre une indication d’un guide communal d’urbanisme existant et une indication ou, a fortiori, d’une norme d’un guide régional d’urbanisme adoptée postérieurement, il est fait application de la disposition du guide régional.

En cas de contradiction entre les indications d’un guide communal d’urbanisme, il est fait application des indications les plus récentes.

Le guide régional d’urbanisme s’applique aux schémas de développement pluricommunal, de développement communal, d’orientation locale, et bien sûr au guide communal d’urbanisme, au permis et au certificat d’urbanisme no 2.

Ce guide communal d’urbanisme, quant à lui, s’applique au permis et au certificat d’urbanisme no 2.

Le schéma, quel qu’il soit, s’applique en cas de contradiction avec un guide communal d’urbanisme.

À l’inverse, la contradiction entre un des quatre schémas et le guide régional d’urbanisme se résout par application du guide.

  1. Le Livre quatre : les permis, certificats et déclarations

Il s’agit, bien évidemment, des dispositions rencontrées le plus souvent par celles ou ceux qui s’interrogent sur la nécessité de solliciter un permis pour tels ou tels actes ou travaux à poser, ou divisions à opérer.

Ces permis sont donc, comme par le passé, les permis d’urbanisation, les permis d’urbanisme et les permis d’urbanisme de constructions groupées, mais également le certificat de patrimoine préalable, la déclaration de patrimoine préalable et les exonérations de patrimoine pour des permis et les déclarations.

Un arrêté du Gouvernement wallon arrêtera les actes et travaux qui, bien que rencontrant a priori le fait générateur du permis, sont néanmoins dispensés soit de permis, soit de l’intervention d’un architecte ou sont reconnus d’impact limité et ne nécessitent plus alors l’avis du fonctionnaire délégué s’il était requis.

4.1. Le nouveau Code de développement territorial a manifestement voulu limiter les cas où le permis d’urbanisation (anciennement permis de lotir) est nécessaire, d’une part, et à simplifier la procédure dans certains cas, d’autre part.

Dorénavant, l’urbanisation d’un bien soumis à permis consistera à diviser un tout contigu en au moins trois lots non bâtis destinés à l’habitation. L’on sait que le fait générateur du permis d’urbanisation, sous l’empire du CWATUP, était réuni dès la division d’un bien en au moins deux lots non bâtis. Et le texte actuellement en vigueur ajoutait « et la vente ou la cession d’au moins un des lots ainsi formés ».

Cette dernière condition n’est plus reprise par le texte du Code de développement territorial. Il faut donc comprendre que, pour être soumis à permis d’urbanisation, l’auteur du projet doit diviser un lot en au moins trois lots non bâtis (au lieu de deux) et céder le droit réel sur ces trois lots (et non au moins un).

De surcroît, la condition que la moitié des bâtiments créés doit être destiné en tout ou en partie à l’habitation subsiste.

Le nombre de cas qui devrait faire l’objet d’un permis d’urbanisation va donc se raréfier. Il faut sans doute ajouter à ce constat que le permis d’urbanisation n’est pas nécessaire s’il existe un schéma d’orientation local prévoyant la création d’un lotissement, comportant, notamment, les limites des lots à créer destinés à l’habitation. Sous l’empire du CWATUP, on sait que le plan communal d’aménagement pouvait également avoir cet objet et cet effet.

Comme par le passé, des actes déclaratifs, translatifs ou constitutifs de droit réel opérant des divisions soumises le cas échéant à permis d’urbanisation sont exclus les actes de donation, les actes involontaires, les actes de partage pour sortir d’une indivision successorale y compris après conversion de l’usufruit du conjoint survivant, à la condition qu’il n’y ait pas plus de lots que de copartageants et la division d’un bien situé à front d’une voierie publique lorsque le bien est sis entre deux bâtiments existants depuis au moins cinq ans, situés à front et du même côté de la voirie et distants l’un de l’autre de 100 mètres maximum.

Nouvellement également, il ne faudra plus de permis d’urbanisation s’il s’agit de diviser un bien, par hypothèse en au moins trois lots destinés à l’habitation, si celui-ci est situé dans le périmètre d’un site à réaménager ou d’un site de réhabilitation paysagère et environnementale, ou dans le périmètre d’un remembrement urbain ou de revitalisation.

4.2. Les actes et travaux soumis à permis d’urbanisme ne changent pas fondamentalement.

On soulignera une nouveauté : la création d’une seule chambre occupée à titre de kot chez l’habitant est dispensée de permis.

La procédure d’instruction d’une demande de permis d’urbanisme ou de certificat d’urbanisme no2 sera désormais jalonnée de délais de rigueur, ce qui signifie que le Code du développement territorial prévoit la sanction administrative d’un dépassement de ces délais.

En synthèse, s’agissant des procédures nécessitant un avis préalable, facultatif ou obligatoire, du fonctionnaire délégué, s’il ne remet pas son avis à temps, celui-ci est réputé favorable et la commune peut décider ; si la commune ne décide pas dans le délai imposé, l’avis du fonctionnaire délégué vaut décision (tel est le régime, depuis l’origine, de l’instruction du permis d’environnement) ; et si la commune ne décide pas dans le délai et que le fonctionnaire délégué n’a pas envoyé son avis, le Gouvernement est automatiquement saisi de la demande.

S’agissant des procédures sans avis du fonctionnaire délégué, si la commune ne prend pas sa décision dans le délai, le fonctionnaire délégué devient automatiquement compétent. Si ledit fonctionnaire ne tranche pas à son tour dans le délai prévu, le Gouvernement est automatiquement saisi.

4.3. Les principales dérogations au plan de secteur prévues par le CWATUP sont maintenues. Ces dérogations ne nécessitent plus un caractère exceptionnel mais le Code de développement territorial ajoute une troisième condition aux deux premières déjà énoncées pour les écarts par rapport à un instrument indicatif. Cette troisième condition consiste en la justification de cette demande de dérogation par rapport aux spécificités du projet au regard du lieu précis où celui-ci est envisagé.

Il n’y a bien évidemment plus de dérogation à d’autres instruments d’aménagement du territoire ou d’urbanisme, puisqu’ils ont tous acquis valeur indicative, à l’exception des normes d’un guide régional d’urbanisme auquel il peut également être dérogé aux conditions susvisées.

  1. Le Livre cinq : l’aménagement opérationnel

Il concerne donc les sites à réaménager (SAR) et les sites de réhabilitation paysagère et environnementale (SRPE). Ces derniers s’inscrivent dans le périmètre de site à réaménager pour lesquels le Gouvernement estime que la réhabilitation au niveau paysager et environnemental est d’intérêt régional.

À titre transitoire, un site d’intérêt régional reconnu définitivement avant le 1er janvier 2005 a la qualité de site de réhabilitation paysagère et environnementale.

Pour ces SRPE, le Gouvernement fixe le périmètre du site et, le cas échéant, autorise, éventuellement sous condition, les actes et travaux projetés.

  1. Le Livre six : la politique foncière

La politique foncière prévoit, pour la réalisation ou la mise en œuvre des différents instruments d’aménagement du territoire et d’urbanisme, le pouvoir d’exproprier, accordé à un certain nombre de personnes morales ayant dans leur objet social l’aménagement du territoire ou le logement ou le développement économique et en premier lieu, bien entendu, la Région, les provinces et les communes.

Dans le même dessein, un droit de préemption est offert à certains acteurs dans une série de zones et de périmètres, comme les zones d’aménagement communal concerté, la zone de services publics et d’équipements communautaires, les nouvelles zones d’enjeu régional et communal, etc.

Nouvellement, une taxe sur les bénéfices résultant de la planification frappe les parcelles bénéficiant d’une ou plusieurs modifications de destination suite à l’élaboration ou la révision, qui leur est favorable, d’un plan de secteur, lorsque la personne intéressée transmet un droit réel se rapportant à cette parcelle à titre onéreux et que celle-ci bénéficie d’un permis qui n’aurait pu être obtenu avant l’élaboration ou la révision du plan de secteur.

  1. Le Livre sept : les infractions d’urbanisme

À ce titre, un changement notable est relatif à l’infraction déduite du maintien des actes et travaux sans le permis requis ou en méconnaissance de celui-ci.

Cette infraction, par nature continue, ne se prescrit donc jamais, tant que les actes et travaux litigieux n’ont pas été supprimés ou qu’un permis de régularisation n’ait pas été délivré, ou encore qu’une modification législative favorable ne soit intervenue.

Ce n’est, dans la rigueur des principes, qu’à ce moment que le délai de prescription quinquennale commence à courir.

Le législateur a voulu mettre fin à une situation qui pouvait être durablement ressentie par des propriétaires de bonne foi, qui par hypothèse n’ont pas été eux-mêmes auteurs de l’infraction de réalisation des actes et travaux sans permis et qui n’ont pas toujours été avertis de la situation.

Dès lors, le maintien des actes et travaux sans permis cesse d’être une infraction aux termes d’un délai de dix ans après l’achèvement de ceux-ci.

Le législateur a cependant prévu un certain nombre de conditions liées à la zone où ces actes et travaux ont été posés, à leur compatibilité avec les dispositions normatives du guide régional d’urbanisme et pour autant qu’ils n’aient que légèrement enfreint les règles.

  1. Le Livre huit : la participation du public et l’évaluation des incidences des plans et programmes

Ce Livre est vraisemblablement temporaire, le Gouvernement ayant fait part de sa volonté d’intégrer ces dispositions directement dans le Code de l’environnement.

L’enquête publique est remplacée par une annonce de projet, procédure plus légère qui s’applique en cas d’écart par rapport aux permis d’urbanisation, schémas d’orientation locaux et guides régionaux et communaux d’urbanisme.

L’enquête publique est conservée en revanche pour les dérogations aux plans de secteur ou aux normes du guide régional d’urbanisme et d’autres cas que peut énumérer le Gouvernement wallon.

Pour plus d’informations sur le sujet, retrouvez Damien Jans à Namur les 22 et 23 novembre pour notre formation Le nouveau CoDT.

[1] .M.B., 15 septembre 2014.

[2] Doc. Parl. Wall., sess. 2015-2016, n°307 (377).

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