Intercommunales : un nouveau paysage fiscal

Garabedian Daniel

Daniel Garabedian
Avocat – Partner (cabinet Liedekerke)
Professeur à l’Université libre de Bruxelles

Jusque récemment, toute intercommunale était, quelle que soit son activité, exonérée de l’impôt des sociétés (ISoc) et assujettie à l’impôt des personnes morales (IPM), qui ne frappe, pour l’essentiel, que les revenus mobiliers et immobiliers (CIR, article 181, 1°). L’idée sous-jacente était que les intercommunales sont l’émanation des communes et que celles-ci ne sont pas assujetties à l’ISoc, mais à l’IPM.

La loi-programme du 19 décembre 2014 abroge cette exonération pour les intercommunales, à partir du premier exercice comptable clôturé au plus tôt le 1er juillet 2015 (article 27, alinéa 1er de la loi-programme).

I. Pas de soumission automatique à l’impôt des sociétés

Cela ne signifie pas que toutes les intercommunales sont désormais assujetties à l’ISoc. Certaines entités sont exonérées de l’ISoc en raison de leur activité d’intérêt public, soit nominativement (CIR, article 180) soit par catégories (CIR, article 181). Pour les autres – la majorité – il faut vérifier au cas par cas, en appliquant les dispositions de droit commun du CIR (article 179 et suivants), si les activités et le fonctionnement de l’intercommunale l’assujettissent à l’ISoc ou à l’IPM.

Une intercommunale échappera à l’ISoc si elle n’a pas la personnalité juridique (c’est le cas de certaines intercommunales en Flandre – la matière est régionalisée) ou si elle ne se livre pas à une exploitation ou à des occupations de caractère lucratif (exemple : ses activités sont réalisées à prix coûtant). Une intercommunale échappera encore à l’ISoc si à la fois, ses statuts ou son régime légal lui interdisent de distribuer des dividendes, et ses occupations lucratives sont limitées dans leur nature, leurs modalités ou leur nombre (article 182 – la loi parle à cet égard d’une activité « ne comportant qu’accessoirement des opérations industrielles, commerciales ou agricoles ou ne mettant pas en œuvre des méthodes industrielles ou commerciales », critères assez vagues qui ont donné lieu à une jurisprudence abondante, à propos des ASBL en particulier).

On peut se demander si l’assujettissement des intercommunales à l’ISoc, alors que les communes échappent à cet impôt, est compatible avec les principes d’égalité et de non-discrimination. Il ne serait donc pas surprenant que certaines intercommunales introduisent un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle.

II. Modalités du passage à l’impôt des sociétés

L’article 26 de la loi-programme règle en détail les modalités techniques du passage des intercommunales de l’IPM à l’ISoc en ce qui concerne les revenus et les différents postes du bilan. L’une de ces modalités est très défavorable aux intercommunales et juridiquement très contestable : tous les bénéfices que l’intercommunale a réalisés avant son passage à l’ISoc mais gardés en réserve après ce passage deviennent taxables à l’ISoc, si l’intercommunale décide de les distribuer (article 26, alinéa 1er, 2° de la loi-programme). Ici aussi, un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle ne serait pas surprenant.

Pour plus d’informations sur le sujet, retrouvez Daniel Garabedian lors de notre formation Nouveau régime fiscal des intercommunales le 5 mai 2015 à Namur.

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