Pensions Complémentaires : impacts des dispositions de la loi du 15.5.2014

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Colette de Dessus les Moustier
Senior Sales Manager
AON HEWITT

AON HEWITT interviendra dans le cadre de la conférence Aanvullende Pensioenen du 27 novembre prochain à Anvers

 

 

1. SORTIE

1.1. La notion de « sortie »

La sortie constitue un moment important pour la détermination des droits de l’affilié et des obligations de l’organisateur (à savoir l’employeur dans le cas d’un engagement de pension au niveau de l’entreprise) : devoir d’information dans le chef de l’organisateur et de l’organisme de pension, détermination des réserves et des prestations acquises et du rendement minimum garanti, obligation pour l’organisateur d’apurer les éventuels déficits, possibilité pour l’affilié de transférer ses réserves acquises, …

Jusqu’à présent, la sortie était le plus souvent liée à l’expiration du contrat de travail (autrement que par la mise à la retraite ou le décès).

Dans la nouvelle loi, la sortie n’est plus uniquement liée à l’expiration du contrat de travail, mais aussi à la fin de l’affiliation active.

a. Le travailleur ne remplit plus les conditions d’affiliation du régime de pension

Selon la nouvelle loi, il est également question de sortie lorsque l’affilié ne remplit plus les conditions d’affiliation, sans que cela ne coïncide avec l’expiration du contrat de travail.

On pense par exemple à une entreprise avec des plans de pension distincts pour les employés et les cadres. Lorsqu’un employé est promu cadre, il ne peut pas rester dans le régime de retraite des employés mais doit être affilié au régime des cadres.

En cas de sortie en raison du fait que le travailleur ne remplit plus les conditions d’affiliation, les effets de la sortie sont reportés jusqu’à l’expiration du contrat de travail (autrement que par la mise à la retraite ou le décès). Le travailleur précité ne pourra par exemple pas demander le transfert de ses réserves acquises.

La loi prévoit une exception : lorsque le travailleur ne bénéficie plus d’une couverture décès, alors il peut demander le transfert de ses réserves vers la structure d’accueil, du moins pour autant qu’une telle structure soit prévue. Si un tel transfert est demandé, alors l’organisateur doit apurer les éventuels déficits.

Vu que l’objectif du législateur est de garantir « une » couverture décès, le transfert ne pourra être demandé qu’à condition que le travailleur ne bénéficie plus d’aucune garantie décès (ni dans le plan de pension auquel il n’est plus affilié, ni dans le plan de pension auquel il est le cas échéant affilié). L’étendue de la garantie décès prévue dans l’autre plan de pension est ici sans importance.

Procédure
L’employeur doit informer l’organisme de pension (ou l’organisateur du régime sectoriel) par écrit endéans les 30 jours du fait que le travailleur ne remplit plus les conditions d’affiliation. L’organisme de pension dispose alors de 30 jours (à compter de la communication de la sortie par l’organisateur) pour informer par écrit l’affilié :

  • de la sortie,
  • du maintien ou non de la couverture décès,
  • en cas de non maintien de la couverture décès, des conséquences du défaut du maintien de la couverture décès et de son droit de demander de transférer, le cas échéant, ses réserves acquises à la structure d’accueil.

Le travailleur a ensuite 30 jours pour demander le cas échéant le transfert vers la structure d’accueil. S’il laisse expirer ce délai, il est présumé ne pas avoir opté pour le transfert vers la structure d’accueil.

b. L’employeur ne relève plus du champ d’application du régime de pension sectoriel

Lorsque l’employeur (ou le nouvel employeur en cas de transfert du contrat de travail dans le cadre de la CCT n°32bis) ne relève plus du champ d’application du régime de pension sectoriel, il n’y a pas d’expiration du contrat de travail mais une expiration de l’affiliation active. Dans la nouvelle loi, ceci est considéré comme une sortie.

c. Convention de reprise dans le cadre d’un régime de pension multi-organisateurs

Dans le cas d’un régime de pension multi-organisateurs (voir 2), les organisateurs peuvent conclure une convention en vue de lever les effets de l’expiration du contrat de travail (autrement que par mise à la retraite ou décès) (ci-après convention de reprise), lorsqu’un affilié conclut un nouveau contrat de travail avec un employeur qui participe au même régime de pension multi-organisateurs. La conclusion de cette convention n’est pas obligatoire.

La convention de reprise règle la reprise de tous les droits et obligations de l’organisateur que l’affilié quitte par l’organisateur que l’affilié rejoint (y compris la reprise de la garantie de rendement minimum). Les modalités de la reprise sont déterminées par la convention (règle relative à la répartition des éventuels déficits entre les organisateurs).

La convention de reprise et la reprise de l’ensemble des droits et obligations qu’elle règle sont opposables aux affiliés. L’affilié peut faire valoir à l’égard de l’organisateur qu’il rejoint tous les droits qu’il pouvait faire valoir à l’égard de l’organisateur qu’il quitte. L’organisateur que l’affilié quitte reste cependant solidairement responsable à l’égard de l’affilié en cas de défaut de l’organisateur qu’il rejoint.

L’affilié doit être informé par écrit de la reprise des droits et de ses conséquences dans les 30 jours qui suivent cette reprise (aucune modification de l’engagement de pension, mais reprise en totalité de tous les droits et obligations par l’organisateur qu’il rejoint et responsabilité solidaire de l’organisateur qu’il quitte en cas de défaut de l’organisateur qu’il rejoint). La convention doit préciser qui de l’organisateur que l’affilié quitte, de l’organisateur que l’affilié rejoint ou de l’organisme de pension est chargé de cette information.

Une copie de la convention de reprise doit être jointe au règlement de pension.

1.2. Apurement des déficits

Jusqu’à présent, « en cas de sortie », l’organisateur était tenu d’apurer les déficits liés aux réserves acquises et à la garantie de rendement minimum.
La loi précise que cet apurement doit avoir lieu au plus tard au moment du transfert des réserves acquises, de la mise à la retraite ou de l’abrogation de l’engagement de pension.

2. RÉGIME MULTI-ORGANISATEURS

Un régime de pension multi-organisateurs est défini comme un régime de pension identique instauré par plusieurs organisateurs dont l’exécution est confiée au(x) même(s) organisme(s) de pension.
Hormis les caractéristiques propres à chaque organisateur (nom, adresse/siège social,…), le règlement de pension doit être le même pour les différents organisateurs.

Un régime de pension multi-organisateurs est possible tant au niveau sectoriel qu’au niveau de l’entreprise.

Le règlement de pension d’un régime multi-organisateurs doit contenir toute une série de mentions obligatoires : le fait qu’il s’agit d’un régime de pension multi-organisateurs, les organisateurs de ce régime, le fait qu’il existe ou non une convention de reprise (voir 1.1.c).

S’il existe une convention de reprise, le règlement de pension doit mentionner le but de la convention (= la levée des effets de l’expiration du contrat de travail), et les modalités de cette levée.

S’il n’existe pas de convention de reprise, le règlement de pension doit mentionner les conséquences de l’absence de convention (à défaut de convention de reprise, il sera question de sortie lorsqu’un travailleur quitte un organisateur pour rejoindre un autre organisateur qui participe à ce même régime de pension multi-organisateurs).

Les modifications du règlement de pension en vue de tenir compte de ces mentions obligatoires doivent s’effectuer dans le respect de la procédure d’avis/d’information préalable : en outre, la décision d’effectuer ces modifications doit être prise par CCT (dans le cas d’une entreprise disposant d’organes de concertation sociale) ou par le biais d’une modification du règlement de travail (dans le cas d’une entreprise ne disposant pas d’organes de concertation sociale) lorsque le régime de pension d’entreprise vaut pour tous les travailleurs de l’entreprise et qu’il est financé (en totalité ou en partie) par des cotisations personnelles.

3. BANQUE DE DONNÉES RELATIVE AUX PENSIONS COMPLÉMENTAIRES (DB2P)

3.1. Accès pour le citoyen

A partir du 31.12.2016 au plus tard, chaque citoyen aura accès aux données relatives à sa pension complémentaire dans DB2P au moyen d’une application web sécurisée. Une fois par an, l’ASBL SiGeDiS, qui gère cette banque de données, doit informer le citoyen (via sa boîte aux lettres électronique) de cette possibilité et lui envoyer un document reprenant les données relatives à sa pension complémentaire.

L’information que le citoyen a la possibilité de consulter dans DB2P est structurée en 3 niveaux :

  1. une information globalisée relative à tous les engagements de pension, reprenant le montant de la rente mensuelle estimée à partir de 65 ans
  2. une information par statut (salarié, indépendant ou fonctionnaire)
  3. une information par organisateur, par organisme de pension, séparément par engagement de pension

3.2. Dormants ou pensions complémentaires oubliées

Si l’ASBL SiGeDiS constate que des prestations de pension complémentaire n’ont pas été payées à un citoyen dont la pension légale a pris cours il y a plus de 6 mois, celle-ci l’en informe par courrier et lui indique auprès de quel(s) organisme(s) de pension il peut obtenir le paiement de ces prestations.

4. FICHE DE PENSION

A partir de 2016, la fiche annuelle de pension ne doit plus être communiquée qu’au travailleur toujours en service. Les travailleurs sortis sont supposés consulter la DB2P. Il n’est par ailleurs plus obligatoire de communiquer tous les 5 ans à tous les affiliés à partir de l’âge de 45 ans le montant de la rente brute estimée à 65 ans.

Le contenu de la fiche de pension est modifié de manière à être conforme aux données que le citoyen sera en mesure de consulter en ce qui concerne sa pension complémentaire dans DB2P.

A partir de 2016, la fiche de pension doit comporter 2 parties. La première partie mentionne, au 1er janvier de l’année concernée, les montants des réserves acquises, des prestations acquises (lorsque calculables), de la prestation en cas de vie à l’âge de la retraite (dans l’hypothèse où le travailleur reste en service) et de la prestation en cas de décès avant cette âge. Il est également précisé s’il existe une rente d’orphelin et s’il existe une prestation complémentaire en cas de décès par accident.

La seconde partie mentionne le niveau actuel de financement des réserves acquises et le rendement minimum garanti, ainsi que le montant des réserves acquises de l’année précédente et les éléments variables pris en compte pour le calcul des réserves et prestations acquises.

Dans le cadre de la fiche de pension, le travailleur doit être informé qu’il peut consulter des données relatives à sa pension complémentaire dans DB2P.

5. AGE DE LA RETRAITE

La possibilité de réclamer la pension complémentaire à partir de 60 ans pour autant que le règlement de pension ou la convention de pension le prévoit expressément demeure inchangée. Le paiement de la pension complémentaire n’est donc pas lié à la pension légale. Toutefois, le capital retraite constitué par les cotisations patronales est plus lourdement taxé en cas de versement avant 62 ans (20% ou 18% en cas de paiement respectivement à 60 ou 61 ans).

En vertu de la nouvelle loi, l’âge de la retraite doit être mentionné dans le règlement de pension ou la convention de pension. Dans la pratique ceci aura peu d’impact vu que la plupart des règlements ou conventions le mentionne déjà.

6. AVANCES ET MISES EN GAGE

Le volet social de la législation relative aux pensions complémentaires prévoit la possibilité d’avances, de mises en gage de droits de pension et d’affectation de la valeur de rachat à la reconstitution du crédit hypothécaire relativement à des biens immobiliers situés sur le territoire de l’Union européenne, là où suivant le volet fiscal il est question de biens immobiliers situés sur le territoire de l’Espace Économique Européen. La loi aligne la législation sociale sur le volet fiscal et étend la possibilité d’avances et autres, aux biens immobiliers situés dans l’EEE.

7. LPC DIRIGEANT D’ENTREPRISE

En ce qui concerne les engagements de pension individuels et collectifs octroyés par une entreprise à ses dirigeants indépendants, le législateur introduit un cadre juridique minimal d’un point de vue social.

Ce cadre minimal s’inspire de la législation relative aux pensions complémentaires pour salariés (LPC) et à la pension libre complémentaire pour indépendants (PLCI).

Ainsi, la loi prévoit entre autres ce qui suit :

  • l’externalisation obligatoire, sauf quelques exceptions
  • la communication du règlement de pension au dirigeant sur simple demande
  • la fiche annuelle de pension pour le dirigeant actif
  • l’interdiction de rachat avant 60 ans
  • le régime relatif aux avances et mises en gage de droits de pension relativement à des biens immobiliers situés dans l’EEE
  • l’élaboration obligatoire par l’organisme de pension d’une déclaration sur les principes de la politique de placement et d’un rapport relatif à la gestion de l’engagement de pension
  • un contrôle par la FSMA
  • des sanctions pénales
  • la prescription (voir 8).

Contrairement à la LPC, la loi ne prévoit ni rendement minimum garanti, ni possibilité pour le dirigeant d’entreprise de revendiquer après 1 an d’affiliation les réserves et prestations acquises.

8. PRESCRIPTION

La prescription en matière de pensions complémentaires est une donnée complexe. Selon la nature des parties, ainsi que la nature de l’action (contractuelle ou non), différents délais de prescription s’appliquent. En outre, la date de prise d’effet de ces délais diffère également.

En ce qui concerne les actions entre d’une part l’affilié/le bénéficiaire et d’autre part l’organisateur et/ou l’organisme de pension, la loi prévoit un délai de prescription unique de 5 ans. La date de prise d’effet de ce délai de prescription est fixée de manière uniforme. Ceci signifie que le délai de prescription commence le jour qui suit celui où le travailleur ou l’affilié lésé a eu connaissance ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance de l’évènement qui donne naissance à l’action.

Une autre loi du 8.5.2014 stipule que le tribunal du travail est compétent pour les litiges entre affiliés/bénéficiaires d’une part et l’organisateur et/ou l’organisme de pension d’autre part.

La nouvelle réglementation relative au délai de prescription et à la compétence du tribunal du travail ne s’applique pas aux litiges entre employeurs/organisateurs et organismes de pension.

9. COTISATION SOCIALE DE 1,5% (COTISATION WYNINCKX) ET PENSION SECTORIELLE

Dans les mesures transitoires – en vigueur depuis le 1.1.2012 et au plus tard jusqu’au 31.12.2015 -, l’employeur est redevable de la cotisation de 1,5% lorsque la somme des montants alloués au compte individuel ou l’accroissement des réserves acquises et des cotisations pour la couverture du risque décès excède le seuil de 30.000 EUR (montant à indexer). Le calcul s’opère par employeur et par travailleur.

A partir de l’année de cotisation 2014, les pensions sectorielles doivent également être prises en compte dans la base de calcul. La pratique a montré que relier des montants alloués à un compte individuel de pension dans le plan sectoriel par individu à un employeur sous-jacent constituait une lourde procédure administrative.

Par conséquent, la loi prévoit que pendant le régime transitoire, le calcul de la cotisation de 1,5% s’opère par organisateur (plutôt que par employeur, mais compte tenu de la pension sectorielle à partir de 2014) et qu’en cas de dépassement du seuil, la cotisation est due par l’organisateur (plutôt que par l’employeur).

En vertu de l’Exposé, les secteurs sont libres d’élaborer un règlement interne pour récupérer la cotisation auprès de l’employeur concerné. Pour les régimes de pension sectoriels, rien ne change : l’employeur reste débiteur de la cotisation de 1,5%.

10. INFORMATION GLOBALISÉE A DESTINATION DU CITOYEN CONCERNANT SA PENSION LÉGALE ET COMPLÉMENTAIRE

A partir de 2016, chaque citoyen au cours de l’année où il atteint l’âge de 45 ans reçoit par courrier une information personnalisée concernant tant ses droits de pension légale que ses droits de pension complémentaire.

CONCRÈTEMENT:
Vos règlements et conventions de pension doivent être adaptés aux nouvelles dispositions au plus tard le 1.7.2017.

Les points de la checklist à cet égard sont les suivants :

  • la définition de l’âge de la retraite ;
  • l’adaptation des dispositions en matière de sortie ;
  • dans le cas d’un régime de pension multi-organisateurs : les mentions obligatoires dans le règlement de pension, avec éventuel ajout d’une copie de la convention de reprise ;
  • si le règlement ou la convention de pension n’autorise les avances et mises en gage que relativement à des biens immobiliers situés au sein de l’UE, étendre ceci aux biens immobiliers situés au sein de l’EEE ;
  • adapter les engagements de pension individuels et collectifs d’une entreprise en faveur des dirigeants indépendants en fonction de la LPC dirigeant d’entreprise.

A partir de 2016, l’organisme de pension (ou l’organisateur) doit communiquer une fiche de pension conforme aux nouvelles dispositions légales. Dans le cas d’un régime de pension d’entreprise, il faut faire attention au fait que l’établissement d’une fiche de pension constitue une des matières qui requière le respect de la procédure d’avis ou d’information préalable.

Si vous avez des questions concernant ceci, n’hésitez pas à prendre contact avec votre conseiller Aon.

La prochaine conférence IFE sur les pensions complémentaires se tiendra à Anvers le 27 novembre 2014.

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