Les changements apportés en matière de protection du patrimoine immobilier par l’ordonnance du 15 mars 2013 modifiant le CoBAT – Article

De Muynck FrédéricFrédéric De Muynck
Avocat (Stibbe)
Assistant chargé d’exercices (ULB)

I. Le contexte : une ordonnance « d’ajustement »

Depuis qu’il a succédé à l’ordonnance organique de la planification et de l’urbanisme en 2004, le Code bruxellois de l’aménagement du territoire (CoBAT) n’a connu qu’une seule modification de grande ampleur, coulée dans une ordonnance du 14 mai 2009. La principale nouveauté issue de cette modification était le « plan de gestion patrimoniale », sorte « d’autorisation globale » destinée à faciliter la réalisation des actes et travaux de gestion des grands ensembles patrimoniaux. Près de trois ans après l’adoption de ce nouvel outil, la Région, constatant qu’aucune application n’en a encore été faite, a remis l’ouvrage sur le métier dans le but de clarifier la nature de cet instrument et d’en faciliter la mise en œuvre.

L’ordonnance du 15 mars 2013 a également été l’occasion de modifier quelques autres dispositions du Code relatives à la protection du patrimoine immobilier, dont l’importance justifie qu’elles soient présentées les premières dans les lignes qui suivent.

II. L’extension de la compétence du fonctionnaire délégué

Paradoxalement, la modification qui se révèlera probablement la plus importante en pratique est issue non du projet d’ordonnance, mais d’un amendement parlementaire. Il s’agit du remplacement de l’article 175, 4° du Code, qui prévoit désormais expressément que, pour les biens qui font l’objet d’une (procédure d’adoption d’une) mesure de protection patrimoniale (classement ou inscription sur la liste de sauvegarde), la compétence du fonctionnaire délégué pour délivrer les permis est générale, et concerne donc même les demandes qui ne portent que sur les parties non classées du bien en question. L’intérêt pratique de cette modification est tel qu’elle est la seule à être entrée en vigueur le 23 mars 2013, dès le lendemain de la publication de la nouvelle ordonnance au Moniteur.

III. Les règles applicables aux avis conformes de la CRMS

À dater du 1er mai 2013, la Commission royale des monuments et des sites (CRMS) ne pourra valablement rendre un avis conforme (c’est-à-dire un avis contraignant pour le fonctionnaire délégué) que, premièrement, si deux tiers au moins de ses dix-huit membres sont présents et, deuxièmement, si cet avis conforme est adopté par au moins deux tiers des membres présents. Le double objectif annoncé par le Gouvernement dans l’exposé des motifs du projet d’ordonnance consiste à « responsabiliser les membres de la Commission » et, au vu des dix disciplines différentes que représentent les membres de la CRMS, à « assurer que les avis émis reflètent l’ensemble des aspects sous lesquels un dossier doit être examiné ». Il est difficile de ne pas voir, dans ces déclarations, une critique du travail actuel de la CRMS…

La portée de l’avis conforme est également précisée : si la CRMS assortit son avis de conditions, seules celles qui seront « énumérées de façon claire et précise dans le dispositif » de l’avis lieront le fonctionnaire délégué. Il est à craindre que l’utilisation de deux qualificatifs aussi vagues donnera lieu à des difficultés d’interprétation et à des contestations.

IV. Le plan de gestion patrimoniale

C’est également au 1er mai 2013 qu’entrent en vigueur les modifications relatives au plan de gestion patrimoniale. La plus notable d’entre elles tient au fait que la compétence de délivrer ceux-ci est ôtée au fonctionnaire délégué pour être confiée directement au Gouvernement bruxellois, lequel peut agir d’initiative ou à la demande d’un tiers (et non plus seulement à la demande d’au moins un tiers des propriétaires concernés, ce qui permettra d’impliquer, notamment, les gestionnaires de certains biens protégés qui n’en sont pas propriétaires).

Le contenu du plan de gestion patrimoniale est revu. Outre une étude globale du bien concerné, il doit détailler : les objectifs généraux de conservation et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ceux-ci ; les actes et travaux que le plan dispense de permis d’urbanisme ; les conditions dans lesquelles d’autres actes et travaux que ceux visés au point précédent peuvent être dispensés soit de permis d’urbanisme, soit de l’avis de la CRMS, de l’avis du Collège des bourgmestre et échevins, des mesures particulières de publicité et/ou de l’avis de la commission de concertation ; éventuellement, au terme d’une mise en balance de l’intérêt patrimonial et des objectifs de performance énergétique, les dérogations à l’ordonnance relative à la PEB qui sont autorisées et, enfin, les actes et travaux subsidiables.

La procédure d’adoption du plan de gestion patrimoniale a également été sensiblement détaillée. La nouveauté essentielle en la matière concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement du projet de plan de gestion patrimoniale, qui est désormais expressément soumise au régime de l’ordonnance du 18 mars 2004 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.

Pour en savoir plus, retrouvez Frédéric De Muynck lors des matinées « Nouvelles dispositions PEB – Réforme du COBAT » les 5 et 6 juin 2013 à Bruxelles

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