Marchés publics – Brèves de jurisprudence

Ann Lawrence Durviaux
Avocat

1- Offres (ir)régulières – Échantillon manquant – Irrégularité absolue ou relative ?

CE 6 août 2012, n° 220.420, SA Newtel
L’absence de fourniture d’un échantillon pour le poste de téléphone analogique peut-elle être qualifiée d’irrégularité substantielle, avec pour conséquence, que le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’écarter l’offre ?
Le cahier spécial des charges n’exigeant la production d’échantilllon que sous peine d’irrégularité, non autrement qualifiée. Le Conseil d’État va considérer que l’absence d’échantillon ne peut avoir une incidence sur l’attribution du marché, notamment parce qu’il ne concerne que 3 % de la commande et qu’il n’aurait pu se traduire que par une perte de 15 points sur un total de 1 500 points. Or, la différence de points entre le requérant et l’adjudicateur était nettement plus importante. Le moyen ne peut, dès lors, être considéré comme sérieux.

2- Notion d’autorité administrative – Notion de pouvoir adjudicateur.

CE 31 juillet 2012, n° 220.398, SPRL, S.H.S.Computer
Si l’ASBL Centre de formation permanente des classes moyennes et des petites et moyennes entreprises est soumise à la réglementation relative aux marchés publics en raison de sa qualité de pouvoir adjudicateur au sens de l’article 4, § 2, 8° de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, elle n’en est pas, pour autant, une autorité administrative.
Selon la Cour de cassation, les institutions créées ou agréées par les autorités fédérales, les autorités communautaires et régionales, les provinces ou les communes qui sont chargées d’un service public constituent, en principe, des autorités administratives dans la mesure où leur fonctionnement est déterminé et contrôlé par ces autorités et où elles sont habilitées à prendre des décisions obligatoires à l’égard des tiers. Une association de droit privé, même créée ou agréée par une autorité administrative et soumise au contrôle de cette autorité, qui ne peut prendre des décisions obligatoires à l’égard des tiers, ne constitue pas une autorité administrative. Il importe peu, à cet égard, qu’elle ait une mission d’intérêt général.
Partant, l’ASBL ne peut être considérée comme une autorité administrative, le Conseil d’État n’étant, dès lors, pas l’instance de recours au sens de l’article 65/24 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services. Il n’est pas compétent pour connaître du recours en suspension.

3- Intérêt au recours-contacts irréguliers entre le pouvoir adjudicateur et un soumissionnaire.

CE 12 juillet 2012, n° 220.315, Société momentanée I.C.A, AIB-Vincotte International et SAS Impedance
En principe, un soumissionnaire régulier a intérêt à faire contrôler la régularité de la procédure qui attribue le marché à un concurrent, quel que soit le classement de sa soumission. En effet, l’exercice de ce contrôle est susceptible de lui procurer une nouvelle chance de se voir adjuger le marché dont l’attribution est contestée, surtout si le moyen retenu vicie toute la procédure de passation.
Les requérantes dénoncent les contacts réguliers entre l’administrateur-délégué de l’intervenante (dont l’offre a été choisie par le pouvoir adjudicateur) et le fonctionnaire dirigeant du marché litigieux, en vue d’adapter le cahier spécial des charges aux souhaits de l’intervenante.
Pour être établis à suffisance, les contacts ainsi intervenus et les fins que leur assignent les requérantes doivent apparaître crédibles et suffisamment vraisemblables. Pour l’essentiel, ils sont attestés par un ensemble de courriels échangés. Il s’avère de ces courriels que l’objectif poursuivi par l’administrateur-délégué de l’intervenante, révélé par les courriels échangés avec ses partenaires, et à la réalisation duquel certains de ceux-ci ont contribué, a été d’influencer la rédaction de l’avis de marché et du cahier spécial des charges, tant pour la définition d’un niveau élevé d’exigences en sélection qualitative, que pour la pondération des critères d’attribution. L’étroite correspondance entre les intentions exprimées par l’administrateur-délégué de l’intervenante et les prescriptions du marché litigieux, finalement arrêtées par le pouvoir adjudicateur, ne paraît raisonnablement pouvoir être l’effet d’une simple coïncidence, heureuse pour l’attributaire de ce marché, mais semble prima facie, résulter davantage de l’adoption d’exigences ou de critères conformes aux attentes d’un futur soumissionnaire. Le moyen doit être déclaré sérieux.

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